Conseil de lecture : Saga Les Enfants de la Terre de Jean M. Auel

Saga Les Enfants de la Terre (1980-2011) par Jean M. Auel

Je souhaite désormais à travers cet article vous présenter une saga – Les Enfants de la Terre – écrite entre 1980 et 2011 par Jean M. Auel.

Il s’agit d’une fiction préhistorique, qui, malgré la densité et la technicité dont elle fait preuve, s’est vendue à des dizaines de millions d’exemplaires et a été traduite en dix-huit langues.

L’auteure

Jean M. Auel est une américaine d’ascendance finlandaise née en 1936. Elle se marie à 18 ans, a cinq enfants à 25 ans puis travaille une dizaine d’années et obtient une maîtrise universitaire dans la foulée. Elle possède un QI élevé et à 40 ans, elle décide de radicalement bifurquer en devenant écrivaine.

Souhaitant écrire une fiction préhistorique, elle se lance préalablement dans un considérable travail de documentation et va jusqu’à participer à des chantiers de fouilles à travers le monde. Cela donne une œuvre particulièrement réaliste bien qu’étant une fiction, mais nous y reviendrons.

La saga

L’action se déroule sur le continent européen, 30 000 ans avant notre ère, au cours de la dernière période glaciaire. L’Homo sapiens cohabite avec l’homme de Néandertal et la fiction est donc une contraction entre la fin du Moustérien, l’Aurignacien et le début du Gravettien. Elle met en scène Ayla, une jeune Homo sapiens élevée par des néandertaliens, qui fait preuve à la fois d’ingéniosité, de tolérance et de soif de vivre.

Néandertal vs Homo sapiens

Le fait d’avoir choisi cette période en particulier permet à l’auteure d’imaginer ce qu’a pu être la rencontre entre deux espèces humaines différentes. Sur ce point en particulier, elle ne peut bien sûr que spéculer mais son point de vue est très intéressant. En s’appuyant sur la forme du crâne de ces deux espèces, elle imagine Néandertal comme possédant une mémoire génétique, elle privilégie l’hypothèse de la non-adaptabilité pour expliquer leur extinction, ainsi que l’impossibilité du langage articulé pour cette espèce (mais non l’absence de langage tout court). Par effet miroir, elle souligne les capacités permises par les lobes frontaux très développés chez homo sapiens, notamment les fortes capacités d’abstraction et d’adaptabilité.

Cependant rien de caricatural là-dedans, elle participe même surtout (en lien avec les années 80/90) à réhabiliter l’homme de Néandertal, autrefois considéré scientifiquement puis populairement comme une sorte de sauvage à peine dégrossi, au contraire du « grand et beau » homo sapiens que nous sommes.

« Nous sommes en effet bien loin de l’image d’Épinal de l’« homme des cavernes » barbare, vêtu de haillons et tirant sa femme par les cheveux, mais en présence d’individus raffinés et extrêmement adaptés à leur environnement naturel. »

Elle traite également du métissage entre les deux espèces. Elle insiste sur les différences de coutumes entre elles et traite beaucoup de ce qu’implique le non-développement ou le développement du langage oral.

Je n’en dis pas plus pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs, mais tout cela est central dans sa saga (l’héroïne étant élevée par Néandertal puis rencontrant ensuite Homo sapiens) et permet notamment de méditer profondément sur notre espèce.

Matriarcat et culte de la Mère

Ce thème est également central dans la saga, bien qu’encore une fois relativement spéculatif. Nous découvrons une société où la notion de paternité y est inconnue, les enfants ont une mère et un « homme du foyer » (le compagnon de leur mère). La religion est le culte de la Mère (Doni dans le roman), et les valeurs de tolérance, en particulier envers l’étranger, y sont prônées. La guerre est inconnue (sauf de façon limitée entre sapiens et néandertaliens).

Il y a également toute une description au fil des tomes d’une société où la sexualité n’a pas subi les affres de la morale monothéiste. On a beau savoir qu’on porte en nous des milliers d’années de morale concernant la sexualité, ce qu’on découvre au cours de cette saga me semble permettre d’ouvrir les yeux bien plus en grand sur ce thème. Là encore je n’en dirais pas plus mais ça vaut le détour, sans compter que c’est bien érotique, ce sur quoi on ne crachera pas (enfin j’espère ! mais c’est un point de vue personnel).

Connaissance de l’environnement et techniques préhistoriques

Si les deux thèmes précédents et centraux ne peuvent que faire la part belle à l’imagination de l’auteure, cela ne doit pas faire oublier que cette saga est surtout impressionnante quant à la description des techniques et modes de vie préhistoriques, ainsi que concernant l’environnement où vivaient ces hommes.

Évoquons pêle-mêle les techniques de chasse et de cueillette, la préparation des aliments et des médicaments, les techniques de tannerie et de vannerie, de construction d’habitat, de fabrication des armes et des outils, d’adaptation au milieu, le shamanisme, l’art rupestre, etc. En bref, un vaste tour d’horizon avec moult détails du mode de vie préhistorique de cette période.

A noter que, bien que la saga s’étende le temps de la vie de son héroïne, des milliers d’années sont en réalité survolés, jusqu’avant le néolithique.

En conclusion

De mon point de vue, cette saga n’est rien de moins qu’une incarnation littéraire du manifeste de T. Kaczynski (cf. précédent article). Et avec la manière svp ! Sans parler du contenu, ces livres sont en plus très bien écrits et l’histoire est passionnante je pense.

Par ailleurs, bien que traitant de notre passé (plus de ses 98% au passage), je ne pense pas que l’auteure fasse autre chose que de parler de notre présent en réalité… Elle traite de notre rapport (enfin toujours plus, de notre non-rapport) au VIVANT, à l’extraordinaire aventure d’être VIVANT sur cette magnifique planète qu’est la TERRE. Une expérience tellement riche en elle-même qu’on peut nécessairement se demander qu’est-ce qu’a bien pu nous apporter tout le reste de notre histoire à partir du néolithique… sinon de comprendre à quel point nous payons tellement cher notre extraction du SIMPLE et du VIVANT.

Mathieu


Voir mon article : La Révolution Industrielle et ses conséquences ont été un désastre pour la race humaine.

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  1. "En disant que Neandertal était comme nous, on l'a limité à nous." - Anarcho-primitivisme

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