John Zerzan

John Zerzan, né le 10 août 1943, est un auteur américain, philosophe du primitivisme. Ses travaux critiquent la civilisation comme oppressante dans son essence, et défendent des modes de vie conçus comme plus libres tirant leur inspiration des chasseurs-cueilleurs préhistoriques. Zerzan va jusqu’à critiquer la domestication, le langage, la pensée symbolique (des mathématiques jusqu’à l’art) et le concept de temps.

Ses livres principaux sont Elements of Refusal (1988), Future Primitive and Other Essays (1994), Running on Emptiness (2002), Against Civilization : Readings and reflections (2005) et Twilight of the Machines (2008).

La civilisation comme résultat agrégé d’un processus d’aliénation

S’inspirant du concept de Theogor Adorno de dialectique négative, il a élaboré une théorie de la civilisation comme étant le résultat agrégé d’un processus d’aliénation. Zerzan est un anarchiste, largement associé aux tendances anarcho-primitivisme, de l’Écologie libertaire, anti-civilisation, de l’anarchisme post-gauchiste ainsi qu’à la philosophie de l’incarnation. Il rejette non seulement l’État, mais également toutes les formes de relations hiérarchiques ou d’autorité.

Les peuples chasseurs-cueilleurs comme modèles d’inspiration

Le travail de Zerzan repose fortement sur un dualisme marqué entre les « primitifs » d’une part — vus comme non-aliénés, sauvages (et donc libres), sans hiérarchie, prompts au jeu et égalitaires sur le plan social — et les « civilisés » d’autre part — vus comme aliénés, suivant un mode de vie domestique (et donc mis en esclavage ou soumis), soumis à une hiérarchie structurée, obsédés par le travail et socialement discriminatoires. En conséquence, « la vie avant la domestication / l’agriculture était en fait largement une vie de plaisir, de contact avec la nature, de sagesse des sens, d’égalité sexuelle, et de bonne santé ».

En effet, selon Zerzan, les sociétés humaines originelles de l’époque paléolithique, et aujourd’hui les sociétés similaires comme les Kung, les Bochimans et les Mbuti, vivent selon un mode de vie non-aliéné et non-oppressant fondé sur la société primitive d’abondance, en contact avec la nature. La construction de telles sociétés relève d’une forme d’utopie politique, ou tout du moins, d’une intéressante comparaison à partir de laquelle il est possible d’attaquer les sociétés actuelles (en particulier industrielles). Zerzan utilise des études anthropologiques sur de telles sociétés pour fonder une critique qui s’étend à de nombreux aspects de la vie moderne. Il dépeint les sociétés contemporaines comme un monde de misère fondé sur la construction mentale d’un sentiment de manque et de besoin. L’histoire de la civilisation est l’histoire de la renonciation et ce qui s’y oppose n’est pas le progrès. Il s’agit au contraire de la forme d’utopie qui émerge à vouloir en finir avec ce dernier.

Inspirations anthropologiques

Les déclarations de John Zerzan sur le statut des sociétés primitives sont fondées sur une interprétation des travaux d’anthropologues comme Marshall Sahlins et Richard B. Lee. La catégorie des primitifs est strictement restreinte pour Zerzan aux sociétés qui sont de purs chasseurs-cueilleurs sans agriculture ni élevage. Par exemple, l’existence d’une hiérarchie au sein des Indiens du Nord de la côte Est aux États-Unis, dont les principales activités étaient de pêcher et d’aller fourrager pour se procurer des vivres, est attribuée à leur comportement de domestication des chiens et leur culture du tabac.

Appel à un retour au primitivisme

John Zerzan appelle à un retour au primitivisme, c’est-à-dire à une reconstruction radicale de la société basée sur un rejet de l’aliénation et sur l’idéal de l’état sauvage. « Il se pourrait que notre unique espoir véritable soit le rétablissement d’une existence sociale de face-à-face, une décentralisation radicale, un démantèlement de la trajectoire dévorante, productionniste, aliénante, friande de nouvelles technologies qui cause tellement d’appauvrissement.

Projet d’élimination de toute technologie

Le projet politique de John Zerzan vise à l’élimination de toute technologie. Zerzan effectue la même distinction qu’Ivan Illich entre les outils qui restent sous le contrôle de l’utilisateur et les systèmes technologiques qui prennent le contrôle de l’utilisateur. Une différence entre les deux auteurs porte sur la division du travail à laquelle Zerzan s’oppose. Alors que les outils peuvent être utilisés par chacun dans une communauté (quoique avec une variabilité dans le niveau de compétence), ce qui mène à une distribution équitable du pouvoir et à une situation d’autonomie individuelle, la technologie, quant à elle, requiert des connaissances spécialisées qui ne sont possédées que par une élite, qui possède alors automatiquement le pouvoir sur les autres utilisateurs. Ce pouvoir est l’une des sources de l’aliénation, en même temps que la domestication et la pensée symbolique.

Apprentissage politique

En 1966, John Zerzan est arrêté à Berkeley lors d’une marche de désobéissance civile en opposition à la guerre du Viêt nam et passe deux semaines à la prison du comté de Contra Costa. Il prend la décision, après avoir été relâché, de ne plus jamais être arrêté de façon volontaire. Zerzan assiste à des événements organisés par l’écrivain Ken Kesey et son groupe des Merry Pranksters, et est également lié à la scène musicale du quartier de Haight-Ashbury à San Francisco où la contre-culture hippie s’exprimait par l’art psychédélique.

Vers la fin des années 1960, John Zerzan est travailleur social pour le compte de la ville de San Francisco. Frustré par sa vie banale de fonctionnaire à bas salaire, il participe à l’organisation d’un syndicat des travailleurs sociaux, le Social Service Employees Union (SSEU). Il en est élu vice-président en 1968 et président en 1969. Un groupe local, Contradiction, proche de l’Internationale situationniste l’attaque comme étant un bureaucrate de gauche. Il se radicalise progressivement et prend conscience de ce qu’il considère être le rôle contre-révolutionnaire du SSEU et des autres syndicats. Zerzan lit également de manière intensive la littérature situationniste, particulièrement influencé par Guy Debord.

En 1974, les éditions Black and Red Press publient l’ouvrage Unions Against Revolution (« Les Syndicats contre la Révolution ») du théoricien espagnol d’extrême-gauche Grandizo Munis, qui comprend un article de John Zerzan, auparavant publié dans le journal Telos. Durant les vingt années suivantes, Zerzan est devenu intimement lié aux publications Fifth Estate, Anarchy: A Journal of Desire Armed, Demolition Derby et autres périodiques anarchistes. Après la lecture des travaux de Fredy Perlman, David Watson et d’autres auteurs, il en vient lentement à la conclusion que la civilisation en elle-même est la racine des problèmes du monde et qu’une société de chasseurs-cueilleurs représente le modèle le plus égalitaire pour les relations de l’homme avec ses congénères et avec la nature.

Zerzan, proche de Theodore Kaczynski alias « Unabomber »

Au milieu des années 1990, John Zerzan est devenu un proche de Theodore Kaczynski, connu sous le nom de « Unabomber », après avoir lu Industrial Society and Its Future (« La Société industrielle et son devenir »), aussi appelé Unabomber Manifesto (« Manifeste de Unabomber »). Zerzan a ainsi assisté au procès de Unabomber et a souvent discuté avec Kaczynski durant la procédure. C’est après cette relation avec Unabomber que les grands médias ont commencé à s’intéresser à Zerzan et à ses idées.

Notoriété aux Etat-Unis

Le New York Times a publié en 1995 une interview pleine page de Zerzan. Un autre événement significatif qui l’a projeté dans la célébrité est l’association de son nom aux groupes anarchistes de Eugene (Oregon) qui sont plus tard devenus l’un des éléments moteur aux États-Unis dans l’utilisation de la tactique des black blocs durant les manifestations d’opposition à l’Organisation mondiale du commerce lors du sommet de Seattle (Washington) en 1999. Les anarchistes qui ont alors utilisé cette technique ont été considérés comme majoritairement responsables des nombreuses dégradations et destructions commises sur les vitrines de magasins de grandes chaînes (Gap, Levi’s, McDonald’s) et à l’encontre d’agences bancaires.

Après avoir ainsi gagné en notoriété publique, Zerzan a commencé à accepter de parler de ses engagements et à donner des interviews autour du monde pour expliquer l’anarcho-primitivisme.

Zerzan fut l’un des rédacteurs en chef de Green Anarchy, un journal d’anarcho-primitivisme et de pensée anarchiste insurrectionnelle. Il est aussi animateur sur Anarchy Radio à Eugene, sur la station de l’université d’État de l’Oregon KWVA. Il continue également de contribuer à Anarchy Magazine et quelques articles de sa main ont été publiés dans des magazines comme AdBusters. Il réalise de longues tournées de conférences autour du monde, et il est marié à une consultante indépendante pour musées et autres organisations à but non lucratif.

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