“En disant que Neandertal était comme nous, on l’a limité à nous.”

A la suite de mon précédent article sur la saga préhistorique –Les Enfants de la Terre (J. Auel)– qui fait la part belle à cette rencontre entre Homo Sapiens et Homo Neanderthalensis (son héroïne, une homo sapiens, est d’abord adoptée et élevée par un clan de Neandertal, avant de revenir au sein de son espèce qui ne tient pas en grande estime ceux qu’ils appellent les « têtes plates »), j’ai trouvé cet article paru dans Le Monde très intéressant. Il nous parle de l’altérité et de notre rapport au monde et est facilement transposable à notre présent…



“En disant que Neandertal était
comme nous, on l’a limité à nous.”

Neandertal a disparu après avoir été, pendant des milliers de siècles, le résident de l’ouest du continent eurasiatique. Si proche à cause de cette ressemblance physique, de l’évident lien de parenté qui nous unit, nous Homo sapiens, à notre cousin éteint, du miroir que ce dernier nous tend, de sa manière silencieuse de nous demander ce qui fait de nous des humains et de la place qu’il tient.

Le chercheur Ludovic Slimak, spécialiste de notre cousin disparu, revient dans un entretien au « Monde » sur l’effet de balancier qui a conduit à réhabiliter la brute épaisse pour en faire sans doute abusivement un autre nous-même.

Chercheur au Centre national de la recherche scientifique, il traque les néandertaliens sur le terrain depuis trente ans. Trois décennies dans les grottes à examiner les productions de ces créatures et à essayer de comprendre qui elles étaient, avant leur disparition il y a quarante millénaires. Le résultat de ces observations et réflexions est un livre, Neandertal nu (éd. Odile Jacob, 240 p., 22,90 euros), qui revisite l’image que nous nous faisons de ces autres humains.

Après avoir été vu comme une brute épaisse, Neandertal fait l’objet, depuis quelques décennies, d’une entreprise de réhabilitation qui le présente de plus en plus comme un autre nous-même. Pourquoi ?

Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, on croit que la morphologie des ossements humains permet de différencier des populations, de voir des races dont certaines seraient plus proches du singe et d’autres plus évoluées. Après la seconde guerre mondiale et ses horreurs fondées sur cette classification des populations humaines, on réalise qu’il n’y a qu’un homme sur Terre et on devient habité par ce tabou de l’altérité et de la différence.

A cause de ce traumatisme fondamental, il faut inconsciemment qu’on soit tous pareils et cela vaut aussi pour des populations anciennes comme Neandertal. On va nier toute forme de différence, on va les grimer en nous-mêmes à tous les niveaux. Au niveau de l’apparence, on a transformé les néandertaliens en des êtres qui sont de plus en plus nous et dans lesquels on ne voit plus que nous, en fait.

Cette tentation du rapprochement entre Neandertal et nous se fait aussi au niveau des comportements qu’on lui prête…

Depuis la fin des années 1990, on a effectivement une recherche effrénée du moindre indice montrant que ces gens-là pensaient comme nous. On a établi une sorte de liste de cuisine pour déterminer si, oui ou non, Neandertal avait ce qu’on appelle une pensée symbolique. Parmi les éléments de cette liste, les plus importants sont certainement les sépultures, les parures et l’art parce qu’ils relèveraient de notre conception d’être au monde.

Qu’a-t-on trouvé comme preuves pour ces trois éléments ?

Même si c’est très débattu, pour la question des sépultures néandertaliennes on a vraiment des éléments robustes avec des corps qui sont parvenus jusqu’à nous parce qu’ils ont été protégés. Cela va avec la question du soin que l’on apporte aux faibles. On voit des personnes âgées complètement édentées que l’on va nourrir en leur faisant des bouillies, que l’on va aider à vivre même si elles ne peuvent plus chasser ni assurer leur subsistance.

On a donc dit que ce soin apporté aux individus par Neandertal était proprement humain. Mais je donne l’exemple d’une étude de 2010 qui parle d’une femelle chimpanzé, Pansy, dont les derniers moments ont été filmés. Quand ils sentent qu’elle va mourir, les proches de son groupe et sa fille viennent autour d’elle, lui font des caresses alors qu’ils n’avaient jamais eu ce comportement avec elle. Lorsqu’elle meurt, sa fille reste près d’elle, l’épouille, lui fait une véritable veillée mortuaire.

Si les chimpanzés ont ces comportements de conscience et de douleur de la mort, cette volonté de protéger le corps, cela signifie que ce trait qu’on a considéré comme fondamentalement humain appartenait déjà à notre ancêtre commun, un homininé très ancien, et ne nous distingue pas du règne animal. Le cas des sépultures ne nous renseigne donc pas sur quelque chose qui serait propre à nous et dans lequel on pourrait projeter Neandertal.

Quid des parures ?

Cela a commencé avec les plumes. On a mis en évidence, dans la grotte de Fumane, en Italie, que Neandertal avait exploité des oiseaux et récupéré les grandes rémiges qui sont utilisées aujourd’hui par de nombreuses sociétés pour se faire des parures. Comme on ne voyait aucune autre utilité à ces éléments, on a dit que les néandertaliens s’étaient paré le corps et qu’ils étaient peut-être beaucoup plus proches de nous qu’on ne le pensait. On a ensuite retrouvé des plumes de plus en plus anciennes, jusqu’à 420 000 ans ! On avait donc une recherche de parures qui remontait à près d’un demi-million d’années, c’était incroyable.

Et puis, je suis tombé sur une phrase extraordinaire de Jean Malaurie, qui fait état de la récupération des grandes rémiges chez les Inuits : ces plumes sont recherchées non pas pour se parer le corps mais parce qu’elles contiennent des protéines extrêmement riches. Notre communauté des préhistoriens était complètement passée à côté. En tant que preuve de parure, la plume « tombe » assez facilement, tout comme les griffes de grands rapaces qui font… d’excellents perçoirs pour travailler le cuir.

Reste l’art pariétal…

Il y a effectivement eu, en 2018, cette étude portant sur des sites espagnols disant que des peintures avaient plus de 60 000 ans, ce qui indiquait que seul Neandertal pouvait en être l’auteur. Avec des collègues, nous avons publié une réponse dans Science montrant qu’aucune des dates ne pouvait être retenue. Tout est tombé.

Je n’imagine pas pour autant que Neandertal était limité dans ses fonctions cérébrales, mais je pense que ce sont des populations qui s’inséraient très différemment dans le monde.

Comment entrer dans les sphères mentales de Neandertal, alors ?

Il faut bâtir cette éthologie à partir des vestiges qui sont parvenus jusqu’à nous, essentiellement de la pierre taillée… Mais c’est justement là que Ludovic Slimak décèle une différence structurelle entre Neandertal et Homo sapiens, lorsque les deux populations avaient des connaissances techniques similaires : « Si vous regardez des outils de silex de sapiens contemporains, une fois que vous en avez vu dix, vous allez vous ennuyer pendant des années parce que les 100 000 suivants seront tous les mêmes. Ce qui n’existe pas chez Neandertal, c’est cette standardisation. Quand vous voyez un de ses produits finis, chaque objet est magnifique et unique, une création, un univers en soi. Là, on est au cœur de la bête : c’est révélateur d’un univers mental qui ne semble pas le même, d’une autre manière de s’inscrire au monde, de penser le monde. Ces divergences-là ne sont ni techniques ni culturelles, et on peut ici proposer que l’encéphale ne fonctionne pas de la même manière. »

Chaque objet est une pièce unique, une réflexion en soi. Il y a certes des traditions, des savoir-faire, des transmissions, mais on a quand même l’impression que Neandertal est en dialectique avec la matière, avec le silex qu’il est en train de tailler. Il va jouer avec sa texture, sa couleur, son cortex (la partie naturelle de calcaire qui recouvre le silex) et produit ses formes et ses objets en fonction des réalités matérielles qu’il a devant lui. Alors que sapiens, quelle que soit la matière première, quel que soit le silex, va produire le même comportement de manière normée et imposer à la matière sa façon de voir le monde.

Vous dites que cela peut paradoxalement expliquer la naissance de l’art chez notre espèce…

Chez sapiens, les sociétés sont tellement normées, sclérosées, que quelque chose doit sortir et déborde. On a cette explosion de l’art, de la parure, de la différenciation. Qu’on ne voit pas chez Neandertal. C’est comme si, avec cette créativité hors du commun qu’il manifeste dans son quotidien et chacune de ses activités, Neandertal n’avait pas besoin de cette explosion de l’ego.

Est-ce que, au fond, Neandertal est compréhensible ?

C’est un véritable défi. Pour le relever, il faut commencer par se décrasser de soi, sortir de toutes ses valeurs morales, prendre un très gros recul. Tant qu’on est prisonnier de son regard sur le monde, on n’arrive pas à comprendre les autres sociétés et encore moins en remontant dans le temps.

Il faut aussi se noyer dans les objets qu’on a, dans leur milieu naturel. Depuis trente ans, je passe trois à quatre mois par an en grotte. En fouillant sur place, je vois les associations d’objets, je me retrouve dans l’espace de vie quotidien de ces populations. Après plusieurs dizaines d’années, des logiques inconscientes se mettent en place qui font que j’arrive à comprendre des choses sur les outillages, les artisanats.

Un exemple avec ce grand racloir très beau que j’ai trouvé. En le regardant de près, je m’aperçois qu’on l’a tapé, qu’il porte des traces d’impact. Mais pourquoi ? Je pense que celui qui a fait cela s’est dit : « Je ne vais pas trimbaler cet objet lourd, je le laisse et quand je reviendrai dans six mois ou dans un an, il sera encore là. Pour être sûr que quelqu’un n’ira pas le débiter, le retailler pour faire autre chose, je lui mets des coups afin de failler le silex. En faisant cela, je le fige dans sa fonction. Si un autre tailleur le trouve, il verra ces détails et n’essaiera même pas de transformer l’objet car il ne lui obéira plus. »

Pour comprendre ces logiques-là, il faut essayer de ne plus être soi, de se dépouiller au maximum des filtres qu’on a depuis sa naissance.

Finalement, que penser de la grande réhabilitation de Neandertal ?

Que c’est un piège. En disant qu’il était comme nous, on a eu l’impression de lui faire une fleur, de l’élever jusqu’à nous. En réalité, on l’a limité à nous.

Il est temps aujourd’hui de convoquer les artisanats de Neandertal pour commencer enfin à explorer ce que furent ces populations et comment elles se sont inscrites dans le monde. Et ce que signifie leur extinction. Il est quand même troublant de voir que les populations qui avaient la plus grande créativité, la plus grande liberté d’être, ont disparu tandis que celles qui étaient les plus normées, les plus standardisées – et, forcément, les plus efficaces – se sont imposées.

Source : Le Monde -Pierre Barthélémy

1 Comment

  1. il reste encore de beaux spécimens , comme Norman Perlman et l’autre franc mac Lassale , on les trouve surtout dans les Pyrénées et au Portugale , la femelle n’a pas les resus au niveau des gènes pour se métisser avec les sapiens mais le mâle n’a aucun problème à ce niveau … à la base la néendertalien consomme 2 x plus de calorie que nous , il est plus sensible à la douleur , à plus de mots pour traduire les émotions , est plus proche de “sont” âme … sa maturité sexuelle est plus tardive ce qui fait qu’il conçoit moins d’enfants , ils n’ont pas une personnalité de leader , ce sont plutot des pasteur semi nomades semi sédentaires , endogames , zoophiles , et anthropophages … je pense qu’il y a une prêtrise qui a su pour l’adrénochrome , les traumastimes MK ultra , le géopolymer ou une puissante lentille réfléchissant le soleil , et tirer profit des plasma liés à l’or et le mercure rouge , c’est de la maçonnerie opérative pur les juifs n’existaient pas … le perenalisme pourfend la youtre zuive , cette vessie portée par le porteur de lumière abrahamocentrée .

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