De plus en plus de personnes rêvent de vivre dans une cabane dans les bois.

La révolution industrielle et l’essor de la technologie sont la continuité logique du processus de néolithisation, dont la croissance économique et le mythe du progrès sont les moteurs pour servir une vision utilitariste de l’existence. L’homme, devenu orphelin de son propre milieu, s’invente au gré des croyances une raison d’être, un sens à sa vie, remplissant les fonctions que lui-même ou la société lui a attribuées, pour palier à la mise en veille de son comportement instinctif dans l’instant présent. Il recherchera cet état de conscience de vigilance et de présence par ailleurs à travers une activité sportive, un loisir méditatif ou une spiritualité compensatoire.

Néanmoins, de nombreux peuples autochtones ont tout de même gardé un mode de vie semblable à nos premiers ancêtres, bien que leurs coutumes ne témoignent pas toujours d’un héritage direct. Qualifiés d’archaïques, cette fusion avec leur milieu est incomprise d’un point de vue extérieur, et suscite tantôt l’admiration et la pitié par ceux qui pensent que la vie naturelle n’est que danger, difficulté et dénuement, tantôt le mépris par ceux qui pensent que l’évolution vers la civilisation et la complexification technique est inhérente à la nature humaine (darwinisme social) et témoigne
d’une supériorité intellectuelle.

Pourtant, aujourd’hui, au sein-même des sociétés organisées où le confort et le pratique sont supposés atteindre un niveau de plus en plus exigeant, des initiatives inspirées de l’idée d’un retour à cet état primaire émergent. Il y a d’un côté une volonté de se libérer de ce que l’on croit être une condition de survie et de lutte permanente, et de l’autre une volonté de se libérer d’une société qui va à l’encontre des besoins fondamentaux. En effet, à contre-courant, des humains pourtant nés dans un contexte favorisé au regard du dit progrès et ne prédisposant pas à une quelconque remise en question, en sont venus à la réflexion selon laquelle le mode de vie sédentaire et civilisé ne correspond pas à nos réels besoins physiologiques et affectifs, et que par conséquent il serait salvateur de le réformer individuellement et collectivement.

Dans quelle mesure la civilisation est-elle critiquée de l’intérieur par des êtres humains civilisés eux-mêmes, au point d’entreprendre des actions individuelles et collectives pour s’en extirper ?

Bushcraft, survivalisme, minimalisme, digital nomade, éco-villages, tant aspirent et œuvrent à se reconnecter à une part de soi qu’ils ont trop longtemps mis de côté, jusqu’à se rendre compte de l’importance de savoir se débrouiller sans le système alors même qu’il nous est facilement accessible. Les tiny-house, les vans aménagés, les camping-cars, sont des nouvelles formes de logement qui tentent de plus en plus de personnes qui cherchent un compromis entre confort et vie nature. Crudivorisme, naturisme, paléo, mais également néo-chamanisme et néo-paganisme, sont également des mouvements, tendances qui reviennent au goût du jour et qui puisent dans la nostalgie d’une nature oubliée. De même, le no-bra, no-poo, no-shave, toutes ces petites révolutions individuelles témoignent d’un ras-le-bol et d’une remise en question de conditionnements culturels absurdes. Et que dire aussi, de l’accouchement à domicile et physiologique que de plus en plus de femmes recherchent.

Nous avons bien conscience que la civilisation a pris différentes formes au cours de l’histoire et qu’il n’en existe pas un modèle unique, toutefois nous estimons que la cause psychologique qui a insufflé la sortie de l’homme de son milieu naturel est commun à toutes les civilisations, et qu’il mène, au bout du compte, à un destin commun unique. La science, la technologie, les médias et les transports tendent à l’unification du monde-village sous une politique commune. À mesure que les recherches avancent, des questions éthiques se posent.

Jusqu’où va-t-on aller,
vers quel monde cela mène-t-il ?

L’opinion publique se divise entre les pro et les anti, tandis que Hollywood laisse entrevoir de nombreux scénarios potentiels. Certains rétorqueront qu’il existe un juste milieu porté par l’écologisme, le développement durable, ou même l’archéo-futurisme de Guillaume Faye, mêlant techno-science et retour aux valeurs ancestrales. Ces tentatives de compromis sont une manière de temporiser et rendre plus acceptable la domestication humaine. Une rupture totale avec le monde moderne demanderait un engagement sans faille et définitif.

Il existe au sein de la société occidentale des personnalités qui cherchent, chacun à leur manière, à réapprendre une manière de vivre plus proche de la nature, ce qui va dans le sens inverse du progrès. Cela prouve que l’être humain ne recherche pas toujours la facilité, le confort, l’immédiateté, le moindre effort, que lui propose le « génie civilisateur », même après l’avoir connu. Il arrive qu’il aspire à retrouver ce que la civilisation lui a ôté : son instinct. Qu’advient-il de cette minorité grandissante ? Leur marginalisation volontaire demande un certain courage de par le déficit de reconnaissance sociale qu’elle impliquera alors.

Globalement, à mesure que la technique avance, le monde occidental semble se scinder en deux : ceux qui travaillent pour cette avancée, repoussant de plus en plus les limites de l’éthique (menace de la liberté individuelle, procréation artificielle, eugénisme…), et ceux qui sont pour une forme de retour en arrière. Nous voyons émerger les concepts de décroissance, de simplicité volontaire, de minimalisme, et des mouvements libertaires s’activent pour une évolution des moeurs.

Pour ma part, je ne crois pas à la pérénité d’un juste milieu, puisque la démarche initiale de sortir de l’état primordial, découle d’une psychologie et d’une relation à l’environnement qui est à l’origine de la révolution du néolithique, et qui à son stade ultime ne peut que progresser dans le sens du monde que nous connaissons aujourd’hui. Je ne crois pas en l’urbanisme écologique car, de base, l’aménagement d’un territoire menace son écosystème.
La vie sédentaire urbaine ne comble pas les besoins de l’être humain. Je pense que celui-ci est fondamentalement amené à choisir entre la loi naturelle et la mort. Cependant, la notion de « retour » à l’état naturel n’est pas vendeuse : on ne veut pas revenir en arrière, on veut aller de l’avant. Mais surtout, on qualifiera cette idée d’utopie, sinon de régression.

Beaucoup pensent que « l’homme est un loup pour l’homme », que l’altruisme n’existe pas dans la nature humaine, et on imagine que les tribus primitives luttent pour leur survie. La nature effraie, et personne ne renoncera unanimement aux acquis de la civilisation de leur plein gré : je crains que l’humanité devra le faire quand elle sera au pied du mur. Mais il n’est pas trop… “tôt” pour bien faire : à titre individuel, pour les bénéfices que cela apporte pour la santé mentale, physique et spirituelle, il est possible d’amorcer une démarche d’émancipation de la civilisation, même minime, rien qu’en marchant pieds nus dans la terre.

En tous cas, une chose est sûre, la situation médiatico-sanitaire actuelle avec la folie qu’elle a engendrée, aura déclenché chez certaines personnes un sentiment d’insécurité vis-vis des plateformes de distribution des marchandises, modifiant ainsi leurs habitudes de consommation. La peur des pénuries a provoqué l’adoption d’une stratégie de stockage de denrées alimentaires sélectionnées pour leur longue conservation. Inquiétude justifiée ou non, combien d’entre eux, à ce moment-là, ont-ils compris qu’ils mettaient leurs besoins vitaux entre les mains d’un système économique fragile, et combien d’entre eux ont-ils réalisé l’avantage d’être autosuffisant ?

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