Les 4 grandes formes d’organisation sociale et politique : bande, tribu, chefferie, État

De nombreux courants de pensée ont tenté de trouver leur propre définition des différentes organisations politiques, entre l’évolutionnisme de Morgan, le culturalisme américain, le fonctionnalisme britannique et le néo-évolutionnisme, entre autres.

Chaque courant réfléchit la question autour de deux principes fondamentaux en leur accordant plus ou moins d’importance : le principe de lien de parenté et le principe de territorialité. Poussée démographique, lutte des classes, monopole de la violence, sont autant de facteurs qui ont été pensés comme critères démarquant les différentes formes que peuvent prendre la société. Leur diversité est telle qu’il est ambitieux d’en rechercher une vision nette et précise, mais nous allons tenter de distinguer les quatre principales formes d’organisation sociale et politique.

Dans l’excellent ouvrage Tribesmen (1968) de Marshall Sahlins, ce dernier présente un schéma d’évolution des différentes formes d’organisation politique non pas en terme de jugement de valeur mais de succession logique, à savoir que les bandes de chasseurs-cueilleurs seraient la forme primitive, à laquelle aurait succédé les tribus, qui auraient évolué en chefferies et finalement, parmi elles, seraient nées différentes formes d’État. Il me semble que cette vision est relativement juste, en se gardant bien, évidemment, des jugements de valeur que l’on reproche généralement aux thèses évolutionnistes.

1. La bande ou clan, forme primitive

La bande/clan est un groupement social structuré, clairement visible et repérable, dont les membres sont reliés entre eux par des rapports de parenté, et en lien avec le principe de territorialité. Elle est classée selon Lucy Mair comme un type de gouvernement minimal. Elle est composée d’un petit nombre de personnes (généralement pas plus de 30 à 50 personnes en tout) qui forment une communauté fluide et égalitaire et coopèrent à des activités telles que la subsistance, la sécurité, le rituel, et prendre soin des enfants et des personnes âgées. Nous pouvons citer par exemple le cas des Bushmen! Kung, société de chasseurs-cueilleurs nomades organisés en bandes, elles-mêmes divisées en famille qui est la plus petite unité sociale stable.

2. La tribu, qui comprend plusieurs bandes ou clans

La tribu est un groupement social structuré également, large, au sein de laquelle s’exerce une solidarité et des obligations, et dont les membres sont liés par un sentiment d’appartenance commune. La tribu comprend plusieurs clans ou bandes, basés sur des liens de parenté. Les liens de parenté fonctionnent comme des rapports politiques, donc ce qu’on appelle “chef de tribu” est généralement une personne sage et âgée, ou plusieurs formant un conseil.

Risque de confusion :
Historiquement, la désignation d’un groupe en tant que tribu ou bande était souvent plutôt aléatoire, car le processus dépendait généralement des administrateurs coloniaux qui avaient une mauvaise compréhension des pratiques politiques autochtones et de la nature fluide des structures sociales traditionnelles.

De plus, nous pouvons étendre le sujet de manière encore plus détaillée, comme nous pouvons le voir ci-contre avec le schéma de l’administrateur colonial belge G. Van Der Kerken (1888-1953).

Le clan peut également être considéré comme un ensemble de familles élargies. En ce sens, l’organisation sociale en Europe est restée clanique très tard jusqu’à leur relative éradication par les gouvernements et la Révolution : les clans ont plus ou moins disparus, mais il en subsiste encore aujourd’hui par exemple en Écosse.

3. La chefferie

Quant à la chefferie, elle se construit sur une centralisation du pouvoir autour d’un chef, qui obtient sa fonction de manière héréditaire. De ce fait, le principe de lignage est très important dans ce type d’organisation, mais les « gens du commun » peuvent donc être gouvernés par un chef qui n’a aucun lien de parenté avec eux. Une chefferie peut instaurer le paiement d’un tribut des membres au chef. Nous pouvons citer comme exemple la chefferie indienne étudiée par Pierre Clastres qui explique que le chef indien, bien qu’il exerce l’autorité, a des obligations à l’égard des membres de son groupe, qui s’apparenterait à une forme de servitude. L’organisation politique des Trobriandais rapportée par Malinowski est aussi basée sur des chefferies. Le lignage peut être considéré comme noble ou commun ; il y a une forme d’aristocratie dans le rapport de pouvoir, de même que chez les Tikopia, où les chefs de lignée noble exercent un rôle de représentant vis-à-vis des dieux.

4. L’État

Enfin, je définirais l’Etat en m’appuyant sur la définition d’Engels puisqu’elle fut maintes fois reprise et validée. Selon lui, l’Etat se caractérise par plusieurs paramètres à savoir le principe de territorialité, la présence d’une force publique, le prélèvement d’un impôt, un corps spécialisé de fonctionnaires, une classe dominante, le tout régi par un rapport de subordination.

La définition de Morgan selon laquelle l’Etat se définit par un principe de territorialité est par conséquent toujours valide mais insuffisante. Quant à Max Weber, il rajoute à ce paramètre celui de monopole de la violence physique légitime (forces de l’ordre). L’exercice du pouvoir s’appuie sur un modèle pyramidal. Les théoriciens ont aussi distingué différentes formes d’Etat, à savoir l’Etat traditionnel et l’Etat fragmentaire, où la différence se situe en terme de degré de sophistication et non de nature.

Nous trouvons de nombreux exemples de sociétés étatiques en Afrique, indépendamment de toute occupation coloniale. Nous pouvons citer l’exemple du Royaume Nupe fondé sur une centralisation du pouvoir autour du roi, la transmission du pouvoir royal étant héréditaire à l’instar des royautés de France. Nous y retrouvons le maillage du territoire en fiefs tenus par des seigneurs ou encore le prélèvement de l’impôt.

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